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Aline et le cordonnier

Aline et le cordonnier

© Juin 2000 Dorothée Thétaz

Voici l’histoire d’Aline.  Quand Aline était encore une petite fille, elle habitait dans un village où tout le monde se connaissait très bien.  Il y avait une ambiance très agréable et protectrice.  Les habitants allaient rarement en dehors des murs de leur village parce qu’il y avait tout ce dont ils avaient besoin : le boucher, le peintre, le cordonnier, le boulanger et tous les autres.  Aline n’était encore jamais sortie de son village.  Elle ne connaissait même pas ses frontières car elle n’était encore jamais allée les explorer.  De toute façon, tout ce qui était important pour elle se trouvait à l’intérieur de son village : ses parents, sa famille, ses voisins et tous ses amis.
La petite Aline était très appréciée par les habitants.  Elle avait une grande douceur et beaucoup de finesse.  C’était une fille calme qui se montrait toujours agréable et prête à rendre service.  Elle aimait son village et ses habitants et elle était spécialement attachée au cordonnier.  Le cordonnier était un homme fort et imposant.  Il était très créatif et il faisait des merveilles en travaillant le cuir.  Il était rempli d’imagination et était très spontané.  Comme il appréciait beaucoup Aline et qu’il savait qu’elle avait des pieds sensibles, il s’amusait à lui faire toutes sortes de chaussures : des bottes, des sandales, etc.  Aline avait une armoire remplie de chaussures adaptées à chaque occasion.  Certaines étaient robustes et chaudes pour les jours de mauvais temps, d’autres étaient fines et élégantes pour les dimanches et jours de fêtes. Régulièrement, Aline allait voir son ami le cordonnier pour lui demander une autre paire de chaussures parfaitement adaptée à une nouvelle occasion.
Les habitants du village regardaient cette amitié avec inquiétude car le cordonnier n’était pas très apprécié. Il les impressionnait par sa grande stature et ses manières brusques et libres.  Il était perspicace et parfois cela dérangeait les villageois qui voulaient conserver l’harmonie à tout prix.  Ils avaient peur que le cordonnier influence trop la gentille petite Aline.
Plus Aline et le cordonnier devenaient amis plus les autres villageois rouspétaient.  Ils avertissaient Aline de ne pas trop le fréquenter car il était mal élevé et brusque.  La famille d’Aline lui interdisait d’aller le voir et le cordonnier était de plus en plus isolé.  Un jour, il décida de quitter le village car il se sentait exclu.  Il ferma sa boutique et quitta le village pour ne plus jamais y revenir.
Aline était triste et contrariée de perdre son ami et de ne plus avoir quelqu’un pour lui faire des chaussures sur mesure, adaptées à chaque situation.  Mais sous l’influence des autres villageois elle pensait que c’était mieux comme cela.  De toute façon elle avait tellement de chaussures qu’elle pouvait faire avec pour le reste de sa vie.
Les années passaient et Aline commençait à oublier le cordonnier.  Mais comme elle grandissait ses chaussures devenaient trop petites et trop vieilles, jusqu’au jour où il ne lui restait plus qu’une paire ; des sandales.  Ses doigts de pieds dépassaient des points des sandales et souvent les gens lui marchaient dessus.  En hiver ses pieds gelaient et devenaient bleus.  En été le soleil les brûlait et Aline souffrait de plus en plus.  Ses pieds commençaient à gonfler et à saigner et le problème empirait.  Elle n’osait plus sortir dans la rue et évitait les endroits très fréquentés comme le marché du samedi matin ou les soirées de fêtes.  Elle s’isolait et devenait malheureuse.  Les autres villageois ne comprenaient pas son problème car ils ne portaient plus de chaussures eux-mêmes depuis longtemps.  Ils lui disaient qu’elle pouvait s’en passer.  Ses pieds s’habitueraient à être sans protection.  Seule, Aline réfléchissait et essayait de se rappeler dans quelle circonstance elle avait reçu ses magnifiques chaussures, mais elle ne pouvait plus s’en souvenir.  Un jour, elle décida courageusement de se rendre chez la gentille boulangère qui lui donnait toujours une petite croûte de pain quand elle était enfant.  Secrètement, la boulangère lui raconta que quand elle était encore une petite fille, il y avait un cordonnier dans le village qui fabriquait les meilleures chaussures de tout le pays.  Tout à coup, Aline se rappelle de tous ses souvenirs d’enfance et du cordonnier.  « Je n’aurais jamais dû le laisser partir. » se dit-elle.  « Je vais aller le chercher. »  Avec ses pieds écorchés, elle s’est traînée tout doucement vers l’extérieur du village.  A sa grande surprise, elle découvrit qu’il y avait une muraille tout autour pour protéger le village et limiter le territoire.  Par la petite porte, elle sortit et elle vit une toute petite maison sur une colline.  Lentement, elle avança dans sa direction.  Après une marche douloureuse, elle arriva enfin.  Le cordonnier, qui l’avait déjà vu arriver, l’attendait devant sa porte en disant : « Je savais que tu viendrais.  Viens vite choisir une nouvelle paire de souliers. »  Aline entra dans la maison et découvrit un énorme dépôt de chaussures de toutes sortes, faites exactement à sa mesure.  Après avoir trouvé la paire parfaite pour la marche, le cordonnier et Aline sont redescendus au village.  Grâce à Aline, le cordonnier fut réintégré au sein du village.  Il fit des chaussures pour tous les villageois qui l’apprécièrent pour toutes ses qualités.

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