Delphine le dauphin
© 2000 Roland Odermatt
Delphine est née un 1er avril. Les premiers mois de sa vie avec ses parents passèrent en de longues randonnées sous l’eau à la poursuite de bancs de poissons, pour les manger ou simplement pour s’amuser. Un beau jour, ils croisèrent la route d’un couple de baleines et de leur fils Baleineau. Delphine et Baleineau sympathisèrent rapidement. Delphine était très impressionnée par Baleineau dont la taille, déjà beaucoup plus importante que la sienne, la rassurait. Quand ils jouaient ensemble, Baleineau avait l’habitude de remonter très souvent à la surface de l’eau où il projetait dans l’air un jet d’eau du plus bel effet. Delphine prit rapidement plaisir à suivre son camarade dans ces sorties. Elle sentait la fraîcheur du vent sur ses narines, la chaleur du soleil lui caressait la tête et sa lumière lui remplissait les yeux d’un tas de petits points lumineux. Son corps était agréablement balancé par les vagues.
Le temps arriva où la famille de Delphine se joignit à d’autres dauphins pour la grande migration. Delphine dut quitter à regret son camarade Baleineau. Elle se fit rapidement d’autres amis parmi la bande de dauphins de son âge. Quelque chose cependant continuait à lui manquer : ses fréquentes incursions à l’air libre avec Baleineau et le plaisir qu’elle y prenait. Elle avait bien essayé de proposer ces sorties à ses nouveaux camarades mais ceux-ci se moquèrent d’elle :
Il est bien plus drôle de poursuivre à perdre haleine des bancs de poissons que d’aller se dorer au soleil.
De peur de perdre le contact avec eux, Delphine accepta ces nouvelles règles.
Six mois plus tard la route de la troupe des dauphins croisa à nouveau celle des parents de Baleineau. Delphine essaya d’entraîner celui-ci dans les jeux de ses nouveaux amis. Baleineau les impressionna beaucoup par sa taille imposante et surtout par sa grande stabilité dans l’eau. Baleineau fut cependant rapidement éjecté des jeux du groupe des jeunes dauphins car il n’arrivait jamais à les suivre dans leur coures rapide et zigzaguante dans le fond de l’océan. De plus il avait cette détestable habitude d’aller souvent en surface pour éjecter ce ridicule jet d’eau et perdait ainsi le contact avec eux. Delphine éprouvait une grande tristesse : Baleineau avait pris beaucoup d’importance pour elle et elle admirait son assurance tranquille. Elle ne pouvait cependant pas trahir ses nouveaux camarades avec qui elle avait passé de si bons moments.
Un soir, alors qu’ils étaient proches du rivage et qu’elle nageait seule en surface en pensant à cette situation, elle vit sur la plage un vieux morse qui semblait endormi. Celui-ci ouvrit un œil et lui dit :
Que fait une jolie jeune dauphine comme toi à se balader en surface au lieu de filer à la poursuite de poissons avec ses compagnons ?
A ces mots Delphine éclata en sanglots et raconta tout au vieux phoque. Quand elle eut fini son récit, entrecoupé de sanglots, le vieux phoque lui dit :
Je vais te dire quelque chose qui va te décevoir : ton ami Baleineau ne monte pas à la surface par jeu. Il est obligé de le faire sinon il manquerait d’oxygène. Vous les dauphins, vous pouvez rester bien plus longtemps sous l’eau et il vous suffit de faire de rapides incursions en surface pour prendre de l’air. Pour nous les morses c’est encore différent, nous passons la majorité de notre temps à nous dorer au soleil et trouverions ridicule vos courses effrénées sous l’eau.
Maintenant dis-moi qu’est-ce qui n’est pas ridicule pour toi ?