L’arbre
© Juin 2000 Carmen Kocher
Il était une fois un pays enchanteur peuplé d’arbres centenaires et majestueux. La végétation y était luxuriante et des animaux de toutes sortes y vivaient.
Un jour arriva un être au comportement étrange : armé d’un instrument, il coupa des arbres, lia les troncs entre eux, les empila les uns sur les autres pour enfin arriver à construire un abri formé de quatre parois, dans lequel il s’installa.
Les arbres, intrigués, se concertèrent : « Cet être est vraiment curieux, il se construit un abri, et n’a même pas pensé à s’abriter de la pluie ».
Les plantes se disaient : « Cet être s’est ainsi protégé des regards. Bien. Qu’en est-il de la lumière trop vive du soleil ? »
Les animaux dans leur langage se moquaient : « Il n’a pas de plumes, il n’a pas de poils, il n’a pas de carapace, il n’a pas de coquille, que lui vaut son abri ? »
L’être étrange qui, vous l’avez deviné, était un être humain, se sentait en effet un peu nu et vulnérable dans son abri de fortune. Aussi dans son langage à lui se mit-il à se parler à haute voix et à se demander ce qu’il pourrait faire pour se protéger du vent, de la pluie, du soleil trop fort et du froid mordant de la nuit.
Aucune réponse ne lui parvint : eh oui, il se posait les mêmes questions sans cesse, dans un discours monocorde, et plus il se questionnait, plus la journée avançait, plus la chaleur le brûlait. Le vent ensuite vint soulever la poussière du sol, l’empêchant de voir le jour laisser la place à la nuit. Le froid d’un coup le saisit. La pluie, qui se manifestait toutes les nuits, ruissela sur son corps. L’être humain cessa alors de se questionner et, levant les yeux vers le ciel, demanda : « Pluie, froid, chaleur, vent, nuit, cessez de me tourmenter». Rien ne changea. Pourtant, soudain, une lueur brilla à côté de lui et lui dit : « Mon ami, tu as fait la seule chose à faire. M’appeler. Lève-toi. Sors de ton abri et va dans la forêt que tu vois là-bas. Trouve-toi une place et prends le temps de bien la choisir, ensuite, tu feras l’arbre ».
L’être humain suivi les instructions. Il sorti de son abri de troncs, se dirigea vers la forêt, chercha un bon emplacement d’où il recevrait une bonne lumière, la chaleur du soleil, tout en étant abrité d’un vent et d’une pluie trop forts.
Au bout d’un jour, pendant lequel il ne ressenti ni faim, ni soif, ni trop chaud, ni trop froid : aucune des sensations que ressentent les humains pendant leurs journées, il se senti pousser des racines, qui lui permettaient d’aller puiser l’eau dans le sol, lors des périodes de sécheresse.
Le jour suivant, ses bras se couvrirent de petits bourgeons, qui devinrent des feuilles, puis des branches sortirent de son tronc.
Au fil des jours, il devint un arbre magnifique, qui protégeait de jeunes pousses se développant sous lui.
Un matin il se surprit à parler et, à sa plus grande surprise, encore à être compris des autres arbres de la forêt.
« Suis-je un arbre ? » demanda-t-il
« Oui, tu es un arbre » fut la réponse qu’il reçut.
« Puis-je parler avec les arbres ? »
« Oui, tu peux parler avec les arbres ».
« Puis-je toucher le ciel ? »
« Oui, tu peux toucher le ciel ».
« Puis-je m’en aller ? »
« Oui, tu peux t’en aller avec tout ce que tu sais ».
Alors il se secoua, perdit toutes ses feuilles, redevint un homme, s’éloigna de la forêt et retourna parmi les siens.