Marion
©2007 Patrick TOTH
Elle était en route depuis bien longtemps déjà et l’étrange objet de forme oblongue que lui avaient offert ses parents avant son départ ne l’avait pas quittée un instant. Devant ses yeux, des paysages multiples et différents s’étaient succédés : des grandes forêts sombres et imposantes jusqu’aux prairies tachetées de milles couleurs, des grandes chaînes de montagne abruptes jusqu’aux criques vert émeraude qui bordent les océans.
Comme elle s’était engagée sur un chemin qui bordait un champ de blé gorgé de soleil, elle se retrouva devant l’entrée d’une grotte à l’intérieur de laquelle elle se sentait attirée par une force irrésistible.
Alors qu’elle s’engageait dans la fissure ouverte dans le rocher, elle ne fut aucunement surprise de la lueur chaleureuse qui émanait des torches et éclairait la pierre des parois, créant ainsi cette atmosphère accueillante des maisons des contrées du Sud. A côté de l’immense cheminée dans laquelle dansaient des flammes orangées, debout derrière la majestueuse table en bois, se tenait l’Enchanteresse.
«Approche » lui dit-elle, « je t’attendais ». « Mais surtout ne parle pas car alors tu romprais le charme qui nous lie. »
Sans un mot, Marion s’approcha de la grande table de chêne massif.
« Je vais te remettre ce que tu es venu chercher » lui dit l’Enchanteresse
« Mais je dois t’avertir. Alors écoute-moi bien. Ce que je vais te remettre, un autre le convoite aussi. »
Avant de disparaître, elle lui dit encore « prend bien soin de ceci » en lui tendant un petit ouvrage tout de cuir relié.
En sortant de la grotte, Marion fut envahie d’une joie immense. Elle se sentait bien, si bien et si forte. Plus rien ne pouvait lui arriver. Elle était à la recherche de ce manuscrit depuis si longtemps et il était enfin là, dans ses mains. Elle pourrait maintenant leur montrer qu’il existait. Oubliant les précieux conseils de l’Enchanteresse, elle se mit à chanter, à sauter, à danser sans se douter un instant qu’elle était épiée depuis les bords de la clairière. Aussi ne s’aperçut-elle de rien quand le petit manuscrit qu’elle avait glissé dans son corsage tomba sur le sol de la forêt. Mais cela n’échappa pas à Brusquain. Celui-ci rôdait dans les bois et détroussait les voyageurs imprudents, sans pourtant jamais leur causer d’autres torts que celui de les voler. Il se précipita sur le précieux objet et s’enfuit avec, sous le regard horrifié de Marion.
Il était ravi car il allait sûrement pouvoir en retirer beaucoup d’argent ; elle avait fait tant de chemin pour trouver ce manuscrit qu’il devait avoir une grande valeur. Réjoui à l’idée de ce qu’il allait pouvoir s’offrir avec le produit de la vente du livret, il ne put pourtant s’empêcher de l’ouvrir pour voir ce qui y était écrit. Mais ce qu’il y découvrit le plongea immédiatement dans la plus grande des colères : les pages du manuscrit étaient vierges. Pas la moindre formule magique.
Furieux, il se sentit grugé et dans sa colère jeta au loin le manuscrit aux pages blanches, car d’un livre vide il ne pourrait rien tirer. Alors pourquoi s’en encombrer n’est-ce pas ?
Marion avait marché aux hasards, les yeux emplis de larmes. Si seulement elle avait écouté les conseils de l’Enchanteresse ! Au lieu de cela elle s’était mise à danser, à chanter et avait ainsi attiré l’attention sur elle. Toute pensive, elle continua à marcher sans savoir où ses pas la menaient lorsqu’elle sentit soudain quelque chose sous sa chaussure ; en baissant les yeux vers le sol, elle reconnu le manuscrit que Brusquain avait jeté : le livre aux pages blanches ! Elle seule possédait le stylo magique que lui avaient remis ses parents avant son départ et qui allait lui permettre d’en remplir les pages.
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