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Valérie, le petit poisson

Valérie, le petit poisson

©  Décembre 2000 Catherine Lorenz

Valérie, le petit poisson, vit dans un lac merveilleux, entouré de grands arbres au feuillage dense et vert, bordé d’herbes et de fleurs magnifiques de toutes sortes et au loin il y a les hautes montagnes enneigées. Avec ses frères et sœurs, elle habite au milieu des coraux rouges et bleus, dans des creux entre quelques pierres blanches.
Valérie est un très joli petit poisson. Ses écailles sont brillantes, argentées et, je crois, qu’elles possèdent toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. C’est très rare, les poissons arc-en-ciel. Valérie est curieuse. Du matin au soir, elle n’arrête pas de regarder toutes les choses autour d’elle. Quand elle joue à cache-cache avec ses frères et sœurs, elle s’arrête parfois, s’écarte des autres pour admirer les reflets de toutes les couleurs dans l’eau. Valérie a un don très spécial, dans ces reflets, elle arrive à voir le mouvement des nuages, le vent qui fait bouger les feuilles dans les arbres, les oiseaux qui volent dans le ciel et les fleurs blanches qui se tournent vers le soleil. Avec tout ce qui bouge dans l’eau, les algues, les coraux rouges, les bulles d’air, les poissons, cela fait vraiment un spectacle merveilleux et Valérie ne s’en lasse jamais. Le soir quand les autres poissons dorment, elle monte parfois jusqu’à la surface de l’eau pour voir, éclairé par la lune, cet autre monde qui n’est pas le sien. Une fois, elle a même entendu chanter un oiseau, c’était très beau.
Vous comprenez que Valérie n’est pas un poisson comme les autres, elle a appris à voir le reflet de l’autre monde dans l’eau, elle a vu que toute chose jette son ombre, dans son monde comme dans l’autre. Elle vu que toute chose est double, il y a cela, et il y a son contraire.
Malheureusement, dans ce petit lac merveilleux, il y a aussi Max, le brochet. Max est méchant. Quand il s’approche, tout s’arrête, les petits poissons se cachent, aucun être vivant n’ose plus bouger, l’eau devient grise et trouble. Et Max vient lentement, très lentement et il arrache sur son passage tout ce qu’il trouve, il avale ce qu’il peut, et derrière lui, il laisse le désordre et la peur. Aujourd’hui, Max vient justement de passer, il y a une heure. Valérie est dans sa petite grotte, elle regarde dehors, essaie de voir s’il est vraiment parti. Mais on ne voit pas bien, tout est trouble et les rayons du soleil ne parviennent plus à éclairer le fond du lac. Alors, Valérie attend encore un long moment pour sortir de sa cachette, puis elle y va.
« Il faut qu’on ramasse tout ces débris ». « Venez » dit-elle aux autres poissons, « Max est parti. Aidez-moi un peu». Valérie sait bien qu’il faut ranger ce désordre. Car, si on ne le fait pas, les rayons du soleil ne peuvent plus éclairer le fond du lac, et on ne pourra plus voir les belles couleurs, les reflets bleus et verts, les coraux, … et quand on ne voit plus la lumière, comment pourrait-on s’amuser ?
« Mais non, c’est pas vrai, il faut pas du tout, » dit Milo, son frère « moi, je préfère aller jouer ».  Et tous les poissons partent avec lui.
Valérie commence à ranger, toute seule et c’est un grand travail. Elle ramasse des petits bouts de coraux et algues, met de l’ordre, remet en place les cailloux blancs, de droite à gauche et de bas en haut, et elle n’arrête pas et elle continue longtemps jusqu’au moment où elle sent que ses petites nageoires argentées lui font très mal, et quand la nuit commence à tomber, elle se rend compte qu’elle n’arrive plus du tout à les bouger. Avec ses dernières forces, elle avance jusque dans son petit creux sous la pierre blanche et elle se couche. Tout est gris et Valérie est toute seule. Alors, elle ferme ses yeux et elle ne regarde plus. Elle pense à l’oiseau qu’elle avait entendu chanter un jour, la haut, au dessus du lac et elle s’imagine qu’elle ne l’entendra plus jamais, comment pourrait-elle s’en sortir, toute seule, sans pouvoir bouger, avec Max qui n’est pas loin, et la pieuvre et les serpents…  Finalement, elle s’endort.
Mais au milieu de la nuit, une petite voix la réveille « Hallo, il y a quelqu’un ? » Valérie ouvre un œil. Mais, c’est Tito. Tito Hippocampe parle beaucoup et normalement, Valérie ne fait pas attention, à ce qu’il dit, car si on essaye de suivre son discours on ne sait plus où en on est et ça fait tout plein de nœuds à l’intérieur de la tête. Maintenant, Valérie est tellement heureuse d’entendre cette voix, mais elle est trop faible pour répondre et ses petites nageoires ne lui obéissent plus, elle n’arrive pas à bouger. Tito l’Hippocampe ne s’en soucie pas, il parle tout seul. « Hier soir, c’était magnifique, le concert de la chorale des coraux verts, vous auriez dû l’entendre »
Valérie se réveille vraiment maintenant : « tu parles de poissons, qui chantent ? Il existent des poissons qui chantent ? » Valérie pense à l’oiseau. « «Oui bien sûr, il existe des poissons qui chantent, tu ne savais pas cela ? »
« Alors, je veux aller les voir » dit Valérie. « Peux-tu m’y amener, Tito? »
« Viens, on y va tout de suite» répond l’hippocampe. Valérie se lève et oh miracle, ces nageoires lui obéissent, elle avance. « Attends, pas si vite » dit Tito, car par rapport à Valérie, il est tout petit et quand Valérie fait un pas, il doit en faire 100. Pendant tout leur chemin, Tito parle, et de temps en temps, Valérie écoute.
Au matin, quand les premiers rayons du soleil envoient des reflets bleutés, argentés et de toutes les couleurs jusqu’au fond du lac, les deux arrivent aux coraux verts et déjà, Valérie entend des voix chanter. C’est merveilleux. « Oh, c’est beau, j’ai envie d’apprendre à chanter ! » dit elle.  Alphonse, le chef d’orchestre, se tourne vers elle. C’est un vieux poisson avec de longs cheveux blancs et une moustache magnifique, c’est très rare, les poissons qui ont des cheveux et des moustaches, et il est très gentil: « Viens, dit-il, il y a une place ici pour toi, au premier rang »
« Mais je ne sais pas chanter » dit Valérie, paniquée.
« Qu’est-ce que tu racontes. Je parie que tu n’as même pas essayé »
Oui, c’est vrai, au fond je ne sais pas si je sais chanter…. Se dit Valérie et elle prend sa place au premier rang.
Alphonse donne un signe et la joyeuse équipe commence à chanter.
Ainsi commence l’apprentissage de Valérie dans le chœur des coraux verts. Pendant un mois, elle chante tous les jours avec les autres et elle apprend tout plein de belles chansons.
A la fin de ce mois, Valérie retourne chez elle. Elle fredonne une petite mélodie, se réjouit du spectacle des couleurs et des reflets dans l’eau tout autour d’elle.
Elle voit de loin les coraux rouges et les pierres blanches, et là, son grand frère Frédéric vient vers elle. Comme elle se réjouit de le revoir. Et tous ses autres petits frères et sœurs.
« Venez, je vais vous apprendre une chanson », dit Valérie heureuse, et elle a beaucoup de choses à raconter. »
Pendant qu’elle raconte, les reflets des couleurs dans l’eau disparaissent et tous les poissons se cachent.
Et Max vient et met du désordre partout.
Et après un très long moment, les petits poissons ressortent de leurs cachettes.
« Venez, il faut… » commence Valérie.
«Oui… il faut vraiment…. mais, je vais d’abord vous apprendre une chanson » dit-elle finalement. Et tous ses frères et sœurs viennent vers elle et écoutent, silencieusement, très attentivement la première chanson que Valérie leur apprend.

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